Donnez-leur une raison de vous préférer

La préférence de marque, la vraie, celle qui résiste aux passages à vide et aux coups de boutoirs de la concurrence, suppose que vous incarniez une vision inspirante et sincère qui soit capable de résonner chez vos clients.

Les études se suivent et s’accordent toutes sur un point : les consommateurs d’aujourd’hui préfèrent les marques qui défendent des valeurs. Que vous posiez la question aux Britanniques , aux Français ou au reste du monde, deux tiers des répondants affirment avec aplomb prendre en compte la mission et les valeurs des entreprises dans leurs décisions d’achat, voire se détourner des marques dont le comportement viendrait contredire leur raison d’être.

Bien entendu, comme toute déclaration d’intention qui se respecte, le fossé qui sépare nos postures de nos actes reste de taille. Et il y a fort à parier que l’on retrouverait tout un tas de produits aux valeurs plus que discutables dans les frigos ou les gardes-robes de bon nombre de nos vertueux répondants. D’où la tentation pour plus d’un dirigeant de relativiser le discours que l’on entend depuis quelques années sur l’importance du purpose en entreprise. Quand il ne s’agit pas tout bonnement de le balayer une fois pour toutes d’un haussement d’épaules condescendant. 

Pourtant, il n’est nul besoin d’enchaîner les études de marché pour se convaincre de l’impact qu’une mission sincère et inspirante peut avoir sur le cœur des consommateurs et donc sur le chiffre d’affaires. On pourrait même se dispenser d’écouter le PDG d’Unilever nous dire que les marques dotées d’une raison d’être connaissent une croissance 1,7 fois plus forte que les autres. Il suffit simplement de se poser un instant et de réfléchir à ce qui fait l’attractivité d’une marque.

« Nos marques dotées d’une raison d’être connaissent une croissance 1,7 fois plus forte que les autres marques de notre portefeuille. »

Alan Jope — CEO d’Unilever

En ces temps d’inflation galopante, on serait tout naturellement porté à parler espèces sonnantes et trébuchantes. Et à se dire que la mise sera raflée par ceux qui sauront proposer le meilleur rapport qualité-prix au client. Voire le plus bas prix tout court. Le souci avec cette approche, c’est qu’il s’agit d’un jeu à somme nulle. Et comme tous les jeux à somme nulle, cela ne marche qu’un temps. Sans compter que les promotions et autres techniques utilisées pour faire baisser la note du consommateur ont la très désagréable conséquence de rogner les marges et ce, quelle que soit l’ingéniosité des dispositifs mis en place. Bref, comme stratégie de croissance à moyen ou long-terme, on a vu mieux.

On peut a contrario miser sur sa différence et notamment sur sa capacité à innover en proposant des produits ou des services dopés aux USP. Une approche créatrice de valeur qui inscrit l’entreprise dans une dynamique bien plus positive et galvanisante. Seulement voilà, il est difficile d’être toujours en avance sur le reste du peloton. Vous aurez beau investir fortement en R&D et chercher à développer une culture de l’innovation en interne, vous vous ferez tôt ou tard rattraper et même dépasser par d’autres qui nourriront eux aussi de grandes ambitions et qui n’auront aucunement envie de se reposer sur leurs lauriers. Dès lors, vous serez à la merci des cycles de R&D qui feront fluctuer vos parts de marché au gré des innovations sorties de vos labos ou de ceux de vos concurrents.

La mission que vous vous donnez est la seule à même de créer une préférence durable pour votre marque

Heureusement pour notre santé mentale, les choses ne se passent pas tout à fait comme cela dans la vraie vie. Apple ne perd pas tous ses clients l’année où Xiaomi s’attaque au marché européen ou le jour où Samsung sort ses premiers téléphones pliables. Gilette ne licencie pas la moitié de ses salariés quand Wilkinson sort un rasoir avec une lame de plus. Car, comme tout bon marketeur le sait pertinemment, le consommateur est un animal somme toute peu versatile qui ne sanctionne pas les contre-performances des marques aussi souvent que la rationalité le lui commanderait. On peut pointer du doigt de nombreux facteurs explicatifs tels que la force de l’habitude, le manque de temps ou encore le manque d’information. 

Mais on aurait grand tort de considérer la fidélité à une marque comme le produit de forces frictionnelles, comme un simple comportement par défaut. Ce serait passer à côté de ce qui fait la force des plus grandes marques : leur capacité à générer de la préférence dans le cœur et l’esprit de leurs clients. Si les gens sont attachés à Ikea, Volvo, Maisons du monde, BackMarket, Biocoop, C’est qui le patron ? ou Patagonia, ce n’est pas par passivité ou praticité. C’est parce que ces marques leur ont donné une raison solide et pérenne de préférer faire affaire avec elles. C’est parce qu’elles les ont convaincus qu’elles partagent les mêmes valeurs, la même vision des choses. Qu’elles sont habitées par des ambitions et des motivations qui sont en phase avec leurs attentes. Jour après jour, année après année, elles n’ont eu de cesse de leur démontrer qu’elles croyaient en quelque chose qui pouvait faire une vraie différence en bout de ligne.

Contrairement aux promos ou aux USPs, la mission que se donne un collectif n’est pas limitée dans le temps. Il n’existe aucune date de péremption pour une vision et des valeurs capables d’inspirer collaborateurs et consommateurs d’un même souffle. Affirmer et faire vivre sa raison d’être au quotidien est, de fait, la seule façon de construire une préférence de marque durable. Une préférence de marque basée sur une idée inextinguible qui résistera aux rapports qualité-prix temporairement défavorables, aux périodes où il n’y aura pas grand-chose à se mettre sous la dent en matière d’innovations et même aux erreurs de pilotage. Une préférence de marque basée sur une culture d’entreprise solidement enracinée au sein de votre collectif et, par là-même, bien plus difficile à émuler qu’un programme promotionnel ou qu’une caractéristique produit. 

Comme l’a dit Simon Sinek, les gens achètent pourquoi vous faites ce que vous faites avant d’acheter ce que vous faites. À vous de leur donner une vraie belle raison de vous préférer. Et de la nourrir sans fléchir sur la durée.

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